Le microcosme du Moyen Vernet.

        Le Moyen Vernet était un quartier populaire de commerçants et d'artisans.  Les boutiques, les ateliers, petites et moyennes entreprises,  se succédaient  sur les deux rives de l'avenue Joffre. Du nord au sud, sur la rive droite en se dirigeant vers le centre-ville, on trouvait :  la menuiserie Domenjo-Soler, la cimenterie Lacambra, le garage Vauxhall, l'atelier de Madame Almar, la matelassière, qu'on voyait, la tête enturbannée, assise à califourchon sur le banc de son métier, environnée de blancs flocons, carder la laine à même le trottoir.  Venaient ensuite le magasin de presse Mir, la miroiterie de Dieuleveut, notre charcuterie, l'épicerie Culat, la rizerie Belloch, le plombier Dabazach, l'expéditeur Mirous, la laitière Honorine avec son étable et ses vaches, l'épicerie Cerqueda, la  boucherie Gilabert, le Café Glacier, les Docks Méridionaux (une autre épicerie).  Sur la rive gauche s'alignaient :  l'ébénisterie Salat, le garage Lelong, les établissements Marty, négociant en vins et spiritueux, l'épicerie Danjou, la cordonnerie Béguer, la droguerie Duteil, la boulangerie Roitg (les boulangers, Charles et Josette, étaient des amis de mes parents), la marbrerie Vergès, le café du S.O.P. (Stade Olympique Perpignanais), l'épicerie Centrale, qui fut tenue par mes grands-parents maternels jusqu'en 1951, le salon de coiffure Charrelier, la mercerie de Madame Fabre, le bureau de tabac de Madame Millau, la charcuterie Verdaguer, un confrère avec lequel nous avions de bons rapports.  Cette courtoisie était d'ailleurs de règle entre nous, voisins et confrères plutôt que concurrents.  Quand un article venait à manquer, mon grand-père Joseph dirigeait le client vers les Docks Méridionaux, sur le trottoir d'en face et les Docks faisaient de même en pareil cas, adressant le chaland à l'épicerie Centrale.  Il y avait toutefois une exception:  le garagiste P., dont l'atelier était contigu à notre maison, s'obstinait à obstruer notre devanture avec ses tacots.  Des prises de bec avaient lieu régulièrement à cause de cela entre mon père et lui.  C'était une guéguerre, qui ne donna lieu à aucun procès.  Un jour, cependant, mon père exprima son exaspération en déversant un seau d'eau sur les sièges de ces véhicules indésirables. 
        Nous cherchions à nous faire travailler les uns les autres.  Pour notre part, nous essayions d'acheter équitablement chez deux ou trois épiciers.  Vers l'âge de huit, neuf ans, je partais avec mon cabas faire les commissions dans les commerces voisins.

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